Bilan du Festival de la Plaine 2024 - "Au début, la salle était nue comme un ver"
Bilan Festival de la Plaine 2024
« Au début, la salle était nue
comme un ver »
(temps de lecture : 5 minutes)
Au début la salle était vide, nue comme un ver, une simple salle des fêtes appelée « Espace de Rencontre et de Loisirs », une salle comme beaucoup d’autres dans les petites communes de France. Une salle plutôt jolie avec son petit couloir extérieur couvert et son habillage bois, un peu à l’écart du village, masquée par une haie de grande hauteur.
Jeudi 24 octobre 2024 - 19 heures
La troupe du Théâtre du Puzzle débarque avec son matériel et les décors pour la pièce IL qui sera présentée le lendemain soir. Dernier filage, ultimes vérifications de jeu, mise au point pour les rendez-vous du lendemain (car le plus gros, c’est pour vendredi matin). Départ pas trop tard. Trois journées intenses attendent les comédiens du Puzzle qui sont aussi les organisateurs. Ils forment également une partie des bénévoles du festival. Tout le monde piaffe d’impatience, autant pour la pièce à jouer que pour le plaisir de ces moments forts que représente le Festival de la Plaine. Cette année a un goût spécial, plus excitant, plus sucré. C’est la 10ème édition pour les vingt ans d’existence de l’évènement.
2004-2024.
Les souvenirs ressurgissent comme des vagues que la marée mémorielle fait remonter à ces instants. Les rencontres dont certaines hors du commun, les soirées spectacles qui ont été des marqueurs puissants, les rires, les découvertes, les amitiés nourries, les folies, les doutes, les grandes questions sur l’organisation, la communication, sur la faisabilité financière et l’équilibre budgétaire, les afters pleins de lumière dans les yeux…
Vingt ans.
Ce sont aussi deux décennies qu’on se prend d’un coup dans la figure. 2004. Nous avions vingt ans de moins. Nous n’avions pas de plan sur le long terme. C’était juste l’envie qui nous poussait à continuer comme elle nous pousse encore aujourd’hui. Nous sommes d’ailleurs sur la préparation depuis plusieurs mois (programmation, communication, affiche, déco, organisation matérielle, contacts avec les artistes pour répondre à leurs besoins, réservation de la scène, restauration…)
2024. Nous sommes encore là avec la même énergie, la même envie, le même élan.
Nous quittons la salle dans la nuit naissante, prêts pour un week-end qui s’annonce formidable…
Vendredi 25 octobre 2024
Un groupe de bénévoles rejoint Nuits-Saint-Georges pour aller récupérer les éléments de scène que nous prête la Communauté de Communes Nuits-Saint-Georges-Gevrey-Chambertin. Un autre groupe rejoint la grange où est stocké le matériel du Théâtre du Puzzle (régie son-lumière, rideaux, pieds, barres, projecteurs…).
En quelques heures, l’Espace de Rencontre et de Loisirs de Barges se pare de ses nouveaux vêtements, un costume d’apparat. En début d’après-midi, la salle est presque prête à recevoir le public et les préparatifs de cuisine sont lancés. Les panneaux d’exposition sont installés. Le groupe de bénévoles s’est regroupé. Beaucoup sont impatients que cela commence d’autant plus que le spectacle du soir « IL » par le Théâtre du Puzzle se joue quasiment à guichets fermés. Depuis trois jours, les réservations ont été bloquées pour cette représentation…
Vingt heures. Le public commence à se presser vers la salle de Barges. Nous approchons la barre symbolique des cent places. Le festival vient de démarrer vraiment…
Samedi 26 octobre 2024
Après la belle soirée théâtrale de la veille, c’est reparti pour une superbe journée. Le soleil est présent et, surtout se suivent des spectacles de qualité, Rémi le magicien bluffe son monde entre apparition et disparation d’objets, de colombes ou de lapin, la Compagnie des 7 Pôles entraîne le public dans une Nuit de Valognes inattendue, revisitant le mythe de Don Juan, la Compagnie des 3 Elles joue de la fausse légèreté de façade pour une réflexion en profondeur sur la vie et le vieillissement. La soirée se clôt par le concert joyeusement irrévérencieux de Frida Lohka avec son accordéon, créant même quelques duos surprises avec des personnes du public autour de vieilles chansons plus anciennes encore que les grands-mères d’aujourd’hui. L’atmosphère est conviviale. Beaucoup de spectateurs restent un long moment après les spectacles, certains, même, rachètent un billet pour le spectacle suivant, ce qu’ils n’avaient pas forcément prévu au départ.
Les derniers festivaliers quittent la salle vers minuit passé. Heureusement, c’est la nuit du changement d’heure. Soixante minutes supplémentaires pour se reposer.
Dimanche 27 octobre 2024
Martin Guillemot et Yzïa Cornillon arrivent à la salle tôt le matin afin de prendre possession des lieux et de la scène. Un long travail minutieux. Leur représentation du « Monologue d’un Méchant » aura lieu à 16 heures mais ils prennent le temps de s’imprégner de l’espace de jeu, de prendre en charge les régies, de refaire un filage et retravailler quelques scènes. En fin de matinée, la joyeuse bande de bénévoles rejoint la salle. C’est reparti pour une ultime journée. Rangement, nettoyage, mise en place de la salle pour l’atelier-théâtre de 14h30. Ça s’active de partout. C’est cette énergie qui ne compte pas le temps qui fait que le festival fonctionne comme si tout était simple, presque naturel. Une vingtaine personnes de tous âges, des copains, des couples, des familles, des ami(e)s, les ami(e)s des ami(e)s. Chacun sait qu’elle/il peut compter sur les autres. Ce festival, c’est notre bébé depuis 20 ans, celui pour lequel on prend soin qu’il reste convivial et accueillant, dans des programmes riches où les arts se rencontrent, où les artistes puissent y trouver facilement leur place, où ces mêmes artistes puissent devenir spectateurs de leurs congénères.
Derrière la simplicité, presque invisible, il y a l’exigence de bien faire ce qu’il y a à faire, chacun dans sa responsabilité et les tâches qu’elle/il s’est donné(e) à assumer. Pas de travail douloureux et contraint, juste la sensation en soi qu’on sait que cela doit être fait et que nous en serons au final heureux. Tout cela se ressent dans le déjeuner des bénévoles autour de pâtes carbonara préparées par notre responsable cuisine, Fabrice. Un vrai repas, tous assis autour d’une grande tablée, pas des sandwichs mangés à la va-vite entre deux caissons de matériel à vider. Une vraie pause.
14 heures
Une petite trentaine de personnes motivées arrive à la salle pour l’atelier d’initiation au théâtre. Nous ne pensions pas qu’il y en aurait autant. C’est une belle surprise. La séance proposée par le Théâtre du Puzzle permet à chacun de se lâcher, de libérer ses élans, de chercher en soi la palette d’émotions qu’on n’utilise que rarement. Tout est jeu, plaisir, partage, une heure durant dans une énergie de plus en plus marquée, comme si les participants avaient oublié que beaucoup ne se connaissaient pas avant de commencer. On sent de plus en plus de complicité, de connexion entre eux. L’heure a passé très vite. Pour tous à présent, le théâtre ne sera pas seulement une pièce à monter et des textes à apprendre, mais avant tout du jeu et tout ce qui s’apprend de soi à travers cela.
16 heures
La salle se remplit pour le dernier spectacle du festival. C’est étrange d’imaginer que c’est presque déjà fini. Pourtant, pas la peine de se frotter les yeux. Nous sommes bien dimanche. C’est le moment du « Monologue d’un Méchant », ultime représentation du Festival. Martin Guillemot déroule une histoire magnifique où, seul en scène, par ses placements, ses regards qui tracent des lignes dans toutes les directions de la scène, il crée l’illusion de plusieurs personnages dialoguant en quasi permanence. C’est puissant et habité. Le rythme est haletant. On sait d’avance ce qu’il adviendra (c’est dit dés le départ), mais ce n’est pas cela le plus important. Le spectateur assiste au déroulé saisissant d’une histoire dont on connaît déjà la fin. Qui. Quoi. Comment. Avec qui… Cette mise en abîme retentit comme un écho en chacun de soi. La vie. La mort. La mise à mort. La mise à vie ? Le bien. Le mal. L’humanité d’un inhumain ou l’inhumanité d’un humain ? La carapace qui se fend rien qu’un instant… ça tourne dans les têtes. C’est beau. Une œuvre magnifique.
C’est chouette que le festival 2024 s’achève de cette façon, avec un spectacle de cette trempe, comme un dernier feu d’artifice.
Après les derniers verres, les derniers partages, les petites mains de bénévoles s’affairent autour du rangement et du démontage. En moins de deux heures, la salle est redevenue ce qu’elle était : un lieu vide qui donne presque l’impression qu’il ne s’est rien passé. Et pourtant…
Quelques temps encore en regardant ici et là, on devinera certaines présences en forme de souvenirs traînant comme une forme de nostalgie, des images de vingt ans où l’art s’est insinué dans la vie d’une petite salle de campagne qui pourtant, d’un seul coup d’œil, ne laisse rien percevoir de tout ce qu’il s’y est vécu.
Prochain rendez-vous, dernier week-end d’octobre 2026 pour la 11ème édition !!!
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